Amazonie : le cœur du monde

Belém – 28 janvier : Amazonie : le cœur du monde
(Chroniques du FSM 2009) – par Raphael Canet

Cette nouvelle édition du FSM souhaitait mettre l’accent sur une réalité qui, aux dires de plusieurs, ne fut pas suffisamment mise au centre des revendications de la mouvance altermondialiste depuis son émergence : la problématique environnementale et plus spécifiquement les changements climatiques. C’est l’une des raisons qui a fait que le FSM 2009 se tienne ici, à Belém, aux portes de l’Amazonie. En effet, cette année se tiennent simultanément la 9ème Édition du forum social mondial et la 5ème édition du Forum social pan-amazonien, qui se déroule habituellement ici, à Belém. C’est donc à un forum social à la fois mondial, régional et thématique que nous assistons cette année.
Cette préoccupation environnementale se retrouve dans la méthodologie de l’événement. Après la marche du 27 janvier qui symbolisait la rencontre des peuples, l’espoir des luttes solidaires et l’ouverture officielle des activités, la première journée du forum, le 28 janvier, fut décrétée jour de l’Amazonie. Toutes les activités étaient essentiellement articulées autour de problématiques socio-environnementales propres cette région pan-amazonienne qui rassemble neufs pays (Bolivie, Brésil, Colombie, Équateur, Guyana, Pérou, Suriname, Venezuela et Guyane française). Préservation de la biodiversité, justice environnementale, droits des peuples autochtones… ce 28 janvier 2009 et devenu le jour de la résistance indigène et populaire contre 500 ans de domination coloniale et capitaliste de la région. L’ambition affichée en cette journée de célébrations et d’appels à la mobilisation collective pour sauver la planète visait clairement à donner la parole aux gens sans paroles, à permettre aux peuples indigènes, aux peuples des rivières et de la forêt d’interpeller le monde entier sur la situation de l’Amazonie, car le destin de tous se joue ici.
Toute la journée, des manifestations culturelles et politiques en plein air, sur de grandes scènes, permettaient aux multiples peuples autochtones de passer leur message : contre la destruction de la forêt, les barrages hydroélectriques en forêt, le dégel dans les Andes et la sécheresse en Amazonie, l’impact socio-environnemental des grands projets miniers et pétroliers, la critique des agro-combustibles et des agissements des agro-négociants, le travail-esclavage, le problème du chômage et des migrations, la lutte pour la terre et contre la violence dans les campagnes et les villes, la démilitarisation de la société, la persécution par l’État des mouvements sociaux et de ses leaders, la criminalisation de la communication populaire, la réaffirmation des cultures des peuples originaires et traditionnels, l’affirmation de l’identité Quilombola et des Afro-descendants, l’autonomie pour les peuples autochtones et la construction d’un État plurinational, contre l’intervention impérialiste et pour une intégration régionale des peuples…
Par des chants, des danses, du théâtre, des déclarations, les peuples amazoniens nous expliquaient que l’heure est grave. La mère-terre est malade et le symptôme de cette maladie est cette fièvre qui la ronge, le réchauffement climatique qui va bientôt nous conduire à la confusion. La maladie ? Une sorte de destruction suicidaire qui se nomme développement, modernité et capitalisme. La vie est en danger, en Amazonie, au Chaco, au Pantanal et les luttes indigènes, les luttes paysannes, celles des mouvements sociaux, des groupes exclus et de tous les peuples du sud doivent converger pour contrer toutes ces formes d’exploitation et de marchandisation qui détruisent notre environnement et conduisent à l’accaparement par quelques uns des ressources naturelles de tous.
Les thèmes abordés étaient variés (Changements climatiques, souveraineté alimentaire, modèles énergétiques, travail, violence, criminalisation des mouvements sociaux, identité, souveraineté nationale et populaire et intégration régionale), mais étaient tous orientés vers une démarche de construction d’alternative. Il s’agissait pour tous ces mouvements de passer de la protestation à la proposition et de mettre de l’avant des projets concrets axés sur l’économie solidaire et communautaire ; l’adoption du principe de réciprocité dans les échanges ; la reconnaissance de l’interculturalité dans les rapports sociaux ; le respect de l’équilibre entre la nature et la société ; la décolonisation du pouvoir, des savoirs et des cultures ; l’autonomie et le respect de la diversité ; la mise en place de gouvernements communautaires ; la transformation de l’État, du Marché et de la Société. Des thèmes finalement assez connus, mais dont la valeur et la pertinence redeviennent évidentes en ces temps de crises, mais surtout dans la manière de passer le message. Car une bonne majorité de gens sur la planète, et au premier rang les dirigeants qui ont les moyens d’agir, sont au courant de la situation environnementale. Le problème est l’inaction. Pourquoi, alors que nous sommes conscientisés, nous ne bougeons pas, nous ne faisons rien ? Tous ces peuples millénaires des rivières, des forêts, qui sortent du cœur de l’Amazonie en habits traditionnels pour nous expliquer leur mode de vie symbiotique avec la nature, contrastant avec le notre qui conduit à la destruction de tout l’écosystème, nous interpellent. Cette fois-ci, ce n’est pas sur la couverture du National Geographic ni sur un écran télévisé qu’ils passent leur message. C’est là, juste en face de vous, en vous tendant la main, en souriant et en vous invitant à écouter tout autour de vous les plaintes des fleuves, les cris des lacs, les sanglots des arbres… les convulsions de la mère-terre.
Allons-nous finir par comprendre… et agir ?

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01 2009

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