L’ÉTALEMENT URBAIN DES INUITS : PROBLÈME POUR LA MÉTROPOLE ?

Par Janie Beaupré Quenneville

Les Inuits font partie d’une des dix Premières nations sur le territoire québécois[i]. Ils sont principalement établis au nord du Québec, au Nunavik. Actuellement, il y aurait un peu plus de 10 000 Inuits au Québec[ii] et près de 50 000 au Canada[iii]. Cependant, comparativement aux autres autochtones sur le territoire, les Inuits ont connu une modification de leur mode de vie lors de la colonisation européenne, passant ainsi d’un mode de vie semi-nomade à sédentaire[iv]. Par contre, ce changement va affecter plus que les habitudes de vie, provoquant une baisse des emplois et, de ce fait, une émigration forte vers les grands centres urbains dont Montréal.

Par la colonisation et la sédentarisation, les activités économiques principales, telles la chasse, la pêche et la cueillette, ont été relayé au second rang derrière l’agriculture, la construction, le tourisme et l’artisanat[v]. Cependant, ces secteurs d’activité étant plus limités au niveau de la main-d’œuvre, les Inuits ont dû sortir de leurs terres ancestrales pour trouver un emploi. Ainsi, depuis les années 80, il y a une « spectaculaire augmentation de la population inuit dans les centres urbains du sud[vi] ». Plus spécifiquement, les villes canadiennes  telles Ottawa, Edmonton et Montréal sont privilégiées par les émigrants.

Cet étalement urbain, soit l’arrivée massive des Inuits dans les grandes villes du sud, s’explique par plusieurs facteurs outre l’emploi. Selon la recherche de Nobuhiro Kashigami, plusieurs autres raisons expliquent l’émigration vers Montréal. Pour les femmes, c’est d’abord le fait d’avoir suivi un membre de sa famille ou d’avoir fuit la région natale pour échapper à une certaine réputation et se refaire une nouvelle vie[vii].  Pour les hommes, plusieurs autres raisons sont aussi évoquées comme fuir la police ou tout simplement l’expérience de vivre à Montréal[viii].

Malgré tout, il n’est pas simple pour les Inuits de s’établir dans la métropole. En 2006, il a été recensé que sur les 800 Inuits vivant à Montréal, 90 d’entre eux seraient des sans-abris[ix]. Ceci s’explique principalement par la discrimination auxquels font face les Inuits par les Canadiens et Québécois, par un faible taux de scolarisation, un manque linguistique au niveau du français et un problème relié à la drogue et l’alcool[x].

Afin de contrer les problèmes d’insertion et d’itinérance, quelques organismes ont été mis en place afin de venir en aide aux Inuits de la région métropolitaine. Cependant, ces derniers sont plutôt limités dans leur champ d’intervention. N’ayant pas un très grand budget, étant principalement des organismes à but non lucratif, ils se limitent à développer et améliorer la qualité de vie des Inuits résidents à Montréal sans toutefois régler le problème à la base, soit les lacunes économiques et sociales que l’on retrouve dans les villes inuits. Ainsi, le Centre d’amitié autochtone de Montréal, instauré à depuis 1974, offre plusieurs services à ce niveau, comme une clinique médicale, un service de nourriture communautaire, un centre de jour et un service d’aide à l’emploi[xi]. De plus, ce centre a même mis en place un projet pilote sur l’itinérance chez les autochtones urbains de Montréal, afin de bien cerner ce problème et d’instaurer un programme adéquat pour régler cette situation.

Cependant, selon l’Association du village Shaughnessy, les différentes interventions des organismes n’ont pas un réel impact sur les Inuits itinérants puisque, « de façon générale, ils font le choix de ne pas persévérer dans le processus de réhabilitation et préfèrent la vie libre dans la rue[xii] ». Ainsi, ils vont bénéficier des programmes de soutiens aux itinérants, mais pas nécessairement ceux de réinsertion sociale.

Pour répondre à ce problème, la Ville de Montréal et le gouvernement du Canada ont décidé d’intervenir en investissant dans l’aide au développement de cette communauté. La Ville de Montréal a principalement axé son programme d’aide au niveau de l’information pour la communauté locale, soit les résidents et les commerçants. De par ce fait, la Ville cherche à rééduquer les individus pour atténuer le mépris et l’exclusion sociale[xiii]. De son côté, le gouvernement du Canada a mis en place, par le Plan d’action économique du Canada, le Projet urbain des Inuits de Montréal. Ce dernier cherche aussi à promouvoir l’insertion sociale, mais par le marché du travail en investissant dans les programmes de formations[xiv].

Ainsi, ces deux instances politiques travaillent conjointement à établir un équilibre entre la société montréalaise et inuit. En ce sens, ils établissent de concert un projet commun voulant mobiliser les gens à un intérêt commun : l’insertion des Inuits dans Montréal. Puisque ce problème persiste depuis longtemps malgré l’intervention de quelques organismes indépendants, il semble que l’aboutissement à l’unification des deux cultures ne puisse passer que par une intervention de l’État et des niveaux politiques en découlant. Par contre, le gouvernement ne doit pas croire à la finalité de ce type de développement, en occurrence économique et social, puisque comme le démontre l’histoire, les solutions sont éphémères dans ce monde en constante modernisation.


[i] Jules Dufour, p.264.

[ii] Amnistie internationale, en ligne.

[iii] Nobuhiro Kishigami, p.74.

[iv] Amnistie internationale, en ligne.

[v] Amnistie internationale, en ligne.

[vi] Nobuhiro Kishigami et Molly Lee, voir p.5.

[vii] Nobuhiro Kishigamip, p.77.

[viii] Nobuhiro Kishigami, p.77.

[ix] Nobuhiro Kishigami, p.73.

[x] Nobuhiro Kishigami, p.78.

[xi] Nobuhiro Kishigami, p.81.

[xii] Voir Ville de Montréal, en ligne.

[xiii] Ville de Montréal, en ligne.

[xiv] Gouvernement du Canada, en ligne.

Bibliographie

Amnistie internationale. Les peuples autochtones. 2010. Les peuples autochtones au Québec Les Inuits. En ligne. http://www.amnistie.ca/content/view/12960/476/ (page consultée le 19 mars 2010).

Canada. Plan d’action économique du Canada. 2010. Projet urbain des Inuits de Montréal. En ligne. http://www.plandaction.gc.ca/initiatives/fra/index.asp?mode=8&imode=2&initiativeid=68&id=5526 (page consultée le 19 mars 2010).

Dufour, Jules. 1993. « Les revendications territoriales des autochtones au Québec ». Cahier de géographie du Québec 37 (no 101): 263-290.

Kishigami, Nobuhiro. 2008. « Homeless Inuit in Montreal ». Inuit urbains / Urban Inuit 32 (no 1): 73-90.

Kishigami, Nobuhiro et Molly Lee. 2009. « Les Inuits urbains ». Inuit urbains / Urban Inuit 32 (no 1): 5-11.

Québec. Ville de Montréal. 2008. Les itinérants Des visages multiples Des responsabilités partagées. En ligne. http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/PAGE/COMMISSIONS_PERMANENTES_FR/MEDIA/DOCUMENTS/MEMOIRE_ASSOVILLAGESHAUGHNESSY_20080424.PDF (page consultée le 19 mars 2010).

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