LA CHINE : UN FACTEUR BÉNÉFIQUE OU NÉFASTE POUR LA RDC?

Par Sydney Taylor-Wingender

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Le rôle économique de la Chine s’est désormais étendu jusqu’en Afrique subsaharienne; les enjeux géopolitiques autrefois engendrés par les acteurs de l’Ouest s’en retrouvent bouleversés. Alors que les récents accords ratifiés par la Chine et la République Démocratique du Congo (RDC) représentent les plus grands investissements accordés en Afrique par la Chine, l’implication financière des Chinois dans la remise sur pied des infrastructures congolaises traduit une opportunité sans précédent pour le développement dans la région (Marysse et Geenen 2009, 372). Cela dit, alors que les ressources naturelles de la RDC – diamants, or, plomb, charbon, uranium – sont convoitées par plusieurs, ces accords permettent leur exploitation par la Chine. Alors que les contrats miniers signés par les Chinois et le Congolais n’augurent aucune progression sur le plan humanitaire (Marysse et Greenen 2009, 390), les accords ratifiés par les deux pays représentent une menace en ce qui concerne les enjeux sociaux en RDC. Dans un tel contexte, pouvons-nous affirmer que les accords sino-congolais promettent un meilleur développement en RDC, ou bien devrions-nous, comme certains affirment, nous méfier de ses impacts? Afin de répondre à cette question, nous allons, dans un premier temps, étudier le rôle positif de ces accords sur le développement du Congo. Ensuite, nous étudierions les envers de ces accords, ce qui nous permettra d’affirmer en quoi ils ne sont pas une entente profitable pour la RDC.

Dans le cadre de la nouvelle alliance sino-congolaise, les institutions financières et les États de l’Ouest se retrouvent confrontés à une nouvelle réalité; celle où ils ne sont désormais plus les seuls acteurs économiques en RDC. L’arrivée de l’acteur asiatique traduit une reformulation des règles du jeu; une nouvelle configuration de la compétitivité globale s’annonce (Kuditshini 2008, 214). Concrètement, les alliances minières permettraient au gouvernement congolais en place de réaliser une fois pour toutes ses promesses électorales; investir dans cinq secteurs fondamentaux, soit les infrastructures, l’énergie, l’éducation, l’accès à l’eau et la santé (Kuditshini 2008, 214). Malgré l’envers de ces accords, que nous aborderons dans la deuxième partie de ce billet, plusieurs les perçoivent comme une opportunité incontournable, ou, du moins, l’option la plus viable pour le Congo-Kinshasa. Pour certains, ils représentent la meilleure alternative aux acteurs de l’Ouest qui ont, bien souvent été la source de grandes déceptions. Pour d’autres, la RDC fait face à un besoin urgent de reconstruction, et l’offre de la Chine représente la seule option possible; le gouvernement congolais n’aurait donc pas d’autres choix (Marysse et Greenen 2009, 373). Ainsi, les accords sino-congolais changent la donne en ce qui concerne le rapport de force entre les acteurs de l’Ouest et la Chine. Alors que ces accords semblent convenables pour le Congo, voyons les impacts sociaux qui en découlent.

L’urgent besoin pour la RDC de procéder à la reconstruction de ses infrastructures valide certainement la nécessité de tels accords. Cela dit, ces ententes s’avèrent, en fin de compte, être néfastes autant pour le secteur minier que pour les infrastructures du Congo. Tout d’abord, on note que la Chine profite beaucoup plus de ces accords que le Congo; alors que l’accès privilégié de la Chine aux ressources minières congolaises s’estime entre 39,7 et 83,6 milliards de dollars, la somme prêtée par la Chine au gouvernement congolais pour financer la reconstruction des routes et des chemins de fer se situe autour de 6,5 milliards de dollars (Marysse et Greenen 2009, 390). L’entente signée par la Chine et le Congo ne s’avère donc pas à être une situation ‘gagnant-gagnant’. De plus, dans l’empressement d’obtenir les accords, le gouvernement congolais a accepté d’offrir des garanties de trop grande envergure; ce qui, au détriment de la RDC, a permis aux Chinois de se couvrir contre tout risque politique ou économique (Marysse et Greenen 2009, 391). Finalement, la Chine a obtenu des exemptions fiscales et douanières excessives; l’État congolais ne sera donc pas en mesure de générer des recettes permettant l’entretien des infrastructures et de payer le coût des services publics (Marysse et Greenen 2009, 391). Même avec de nouvelles infrastructures et de nouveaux services sociaux, l’État congolais ne sera pas en mesure d’assurer leur bon fonctionnement à l’aide d’un financement fiscal généré par l’exploitation minière chinoise. Ainsi, l’État du Congo-Kinshasa se retrouverait affaibli plutôt que renforcé.

En fin de compte, quoiqu’ils représentent probablement la seule solution viable pour la RDC, les derniers accords miniers entre elle et la Chine pourraient être néfastes sur le long terme, à moins que certaines modifications y soient posées. L’inégalité des revenus générés par les accords, l’immunisation politico-économique de la Chine et ses exemptions fiscales font de ces accords un contrat où seule la Chine se retrouve réellement gagnante. Le problème ne se situe pas dans la nature des alliances en tant que telle. Voici sur quoi Marysse et Geenen ont mis le doigt : « on these major contractual concerns, the central problem is either the weak bargaining capacity and/or ability of the Congolese state, or the pursuit of short-term interests by the political elite in Kinshasa » (Marysse et Greenen 2009, 391). La solution réside donc dans l’attitude que doit adopter le gouvernement de la RDC; une approche plus agressive, voire combative, permettrait au Congo-Kinshasa de redéfinir le rapport de force sino-congolais, pour permettre ainsi de termes plus justes à ces accords.

Bibliographie

Kuditshini, Jacques Tshibwabwa. 2008. « Global governance and local government in the Congo: the role of the IMF, World Bank, the multinationals and the political elites ». International Review of Administrative Sciences 74 (juin): 195-216.

Marysse, Stefann et Sara Geenen. 2009. « Win-win or unequal exchange? The case of the Sino- Congolese cooperation agreements ». The Journal of Modern African Studies 47 (septembre): 371-396).

Organisation de la Presse Africaine. 2008. RDC / Chine / Le peuple congolais est floué par le contrat RDC-Chine. En ligne. http://appablog.wordpress.com/2008/06/25/rdc-chine-le-

peuple-congolais-est-floue-par-le-contrat-rdc-chine/

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05 2010

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