L’ÉTIQUETAGE DES PRODUITS ÉQUITABLES – «WELCOME TO THE SOURCE OF AUTHENTIC FAIR TRADE»?

Par Marit Firlus

Sarah Murray intitule son article publié dans le Financial Times « Confusion reigns over labelling »2. Dans cet article elle explique que les consommateurs d’aujourd’hui ont de plus en plus de difficulté à distinguer les produits du commerce équitable de la pluralité des autres marchandises produites d’une manière « éthique »3. L’étiquetage, est-il une menace pour le commerce équitable?, se demande un bloggeur dans son entrée sur Shared Interest4. L’émergence accrue de produits étiquetés sur le marché répond aux valeurs et intérêts d’un mouvement social de consommateurs responsables qui utilise son pouvoir d’achat pour exercer une pression sociopolitique sur l’économie traditionnelle5. Pour le commerce équitable deux défis largement liés se posent : d’une part éclaircir la confusion qui existe à l’intérieur du mouvement autour de l’étiquetage, des principes et de la structure organisationnelle et d’autre part se distinguer des autres produits du champ « éthique ». Mais alors, quelles sont les caractéristiques distinctives des produits équitables?

Selon sa définition officielle le commerce équitable est « un partenariat commercial » qui cherche à changer « les règles et pratiques du commerce international conventionnel »6. Les principales organisations du commerce équitable, le FLO (Fair Trade Labelling Organization International), le WFTO (World Fair Trade Organization), le NEWS (Network of  European World Shops) et l’EFTA (European Fair Trade Association), qui forment ensemble le réseau informel FINE, se sont mis d’accord sur cette définition en 2001. Elle est aussi inscrite dans la Charte des Principes du Commerce Équitable publiée dans le cadre de la Semaine du Commerce Équitable en janvier 2009. La Charte inclut également les principes essentiels de base de ce commerce alternatif comme l’accès au marché pour les petits producteurs marginalisés, des relations commerciales équitables à long terme ainsi que la sensibilisation du consommateur. Ces principes essentiels visent, conjointement avec les dimensions additionnelles aux droits du travail et à la durabilité environnementale, à réaliser l’objectif clé: « un commerce global juste et équitable »7.

La synthèse de ces principes sous la forme d’une Charte dissimule le fait qu’ils ne sont nullement institutionnalisés. En fait, la Charte est seulement une tentative de coucher sur papier et de formaliser des principes de base communs du commerce équitable qui varient en réalité d’un organisme ou d’une filière à l’autre. Cela explique parfaitement pourquoi l’organisme Équiterre, qui s’est donné comme mission la sensibilisation des consommateurs au Québec, a publié une liste de 7 principes qui ne coïncident pas tout à fait avec ceux de la Charte sur son site web8.

La complexité et l’opacité de la structure organisationnelle du commerce équitable sont à la base de la confusion du consommateur qui s’est créée par rapport à l’étiquetage. Les questions des consommateurs tournent principalement autour des standards pour les produits équitables. En effet, le consommateur se demande qui définit les standards et qui les contrôlent pour qu’il puisse être sûr d’acheter véritablement équitable.

Au fond, il y a deux principaux organismes, le FLO et le WFTO, pour la détermination des standards et des principes. 19 initiatives d’étiquetage autour du monde sont représentées par le FLO dont l’organisme TransFair qui est responsable de la certification des produits équitables en Amérique du Nord. Le FLO donne aux organismes la licence permettant d’utiliser des logos différents qui certifient que les produits remplissent les standards  sociaux, environnementaux et économiques du FLO dans leur banche d’activité. Les standards sont fixés par un comité du FLO et contrôlés par une compagnie séparée appartenant au FLO qui s’appelle FLO-CERT9. Le WFTO ne donne pas de licences mais il se veut un réseau dont plus de 350 membres s’engagent à respecter ses 10 principes du commerce équitable. Il se décrit comme étant « the authentic voice of Fair Trade and a guardian of Fair Trade values »10.

La différence principale entre les deux organisations est donc que le FLO est « une filière labellisée » qui donne des licences et qui contrôle la mise en place de ses standards  alors que le WFTO est « une filière intégrée » qui essaye de formaliser et institutionnaliser les principes du commerce équitable dans son reseau11. Aux côtés des deux organismes principaux, il y a une pluralité d’organismes dévoués à promouvoir, formaliser et étiqueter le commerce équitable. Le commerce équitable est par conséquent encore loin d’être basé sur des principes partagés par tous les organismes et filières. Il n’y a donc aucun logo ou organisation qui pourrait permettre de représenter le commerce équitable dans son entièreté.

Cela rend d’autant plus difficile la différentiation entre le commerce équitable avec ses caractéristiques particulières qui unissent  les notions économiques, environnementales et sociales et d’autres produits étiquetés éthiques notamment les produits organiques, biologiques, « bird friendly » ou ceux de « Rainforest Alliance ». En effet, le succès de l’étiquetage du commerce équitable a attiré l’intérêt des autres acteurs commerciaux qui ont ensuite saisi l’opportunité de profiter de l’émergence d’un mouvement des consommateurs responsables et politisés en vendant des produits certifiés éthiques. Dans leur livre « Le commerce équitable. Entre utopie et marché » Amina Bécheur et Nil Toulouse mettent en avant qu’à cause de la « multiplication des acteurs et [d]u développement des produits sur le marché conventionnel », les commerçants du commerce équitable sont forcement obligés de se soumettre au « jeu concurrentiel » du marché avec ses « techniques marketing » dont l’étiquetage fait partie12.

Pour son avenir le commerce équitable se voit donc face à deux problèmes majeurs. Premièrement, il doit continuer à s’institutionnaliser sous la forme d’une structure organisatrice plus claire. À la place de plusieurs organisations avec différents standards et principes, il faut une organisation principale qui définit et formalise les principes centraux et qui assure leur mise en pratique. L’apparition d’une Charte des Principes du Commerce Équitable et le fait que le WFTO réunisse déjà une grande partie des organismes du commerce équitable en essayant d’établir un réseau global montrent que le commerce équitable est déjà sur une bonne voie. Deuxièmement, le commerce équitable est confronté à une concurrence croissante sur le marché des produits étiquetés « éthiques » et il doit forcement éclaircir et commercialiser ses caractéristiques distinctives pour se maintenir sur le marché.

Finalement, c’est seulement en s’appuyant sur des principes formalisés, sur une structure organisatrice claire et sur des standards institutionnalisés et compréhensibles que le commerce équitable va être capable de conserver son caractère distinctif et sa position sur le marché.

1 slogan WFTO, en ligne.

2 Murray, en ligne.

3 « Un produit pour être éthique doit répondre à un ensemble de critères environnementaux et  sociaux qui sont inhérents au développement durable et à la responsabilité sociale des entreprises. » voir http://www.ethic-attitude.com/produits-ethiques-ecologiques-equitables.htm pour plus d’information.

4 Blogue Shared Interest, en ligne.

5 Gendron, pp. 17-18, en ligne.

6 définition de FINE citée dans la Charte des Principes du Commerce Équitable, en ligne.

7 Charte des Principes du Commerce Équitable, en ligne

8 Équiterre, en ligne.

9 FLO, en ligne.

10 WFTO, en ligne.

11 Gendron, Torres et Bisaillon. pp. 14-17.

12 Bécheur et Toulouse, p. 102.

Bibliographie

Bécheur, Amina et Nil Toulouse. 2008. Le commerce équitable. Entre utopie et marché. Paris: Librairie Vuibert

Gendron, Corinne. 2004. Le commerce équitable: un nouveau mouvement social économique au cœur d’une autre mondialisation. Cahier de recherche conjoint: Chaire de coopération Guy Bernier et Chaire de responsabilité sociale et de développement durable. Les cahiers de la Chaire – collection recherche (no 02-2004). Université du Québec à Montréal. En ligne. http://www.crsdd.uqam.ca/Pages/docs/pdfCahiersRecherche/02-2004.pdf (page consultée le 2 février 2010).

Gendron, Corinne, Arturo Palma Torres et Véronique Bisaillon. 2009. Quel commerce équitable pour demain? Pour une nouvelle gouvernance des échanges. Montréal: Éditions Écosociété, et Paris: Éditions Charles Léopold Mayer.

Murray, Sarah. 2006. « Confusion reigns over labelling ». Financial Times (GB), 13 juin: 2. En ligne. http://moveablefeasts.org/articles/Fairtrade.pdf (page consultée le 25 février 2010).

Blogue Shared Interest. 2009. Labelling a threat to Fair Trade. En ligne. http://blog.shared-interest.com/2009/07/21/labeling-a-threat-to-fair-trade/ (page consultée le 23 février 2010).

Équiterre. Site web officiel. En ligne. http://www.equiterre.org/equitable/index.php?s=certification (page consultée le 23 février 2010).

Fair Trade Labelling Organizations Internation. Site web offciel. En ligne. http://www.fairtrade.net/ (page consultée le 23 février 2010).

World Fair Trade Organization (WFTO). Site web official. En ligne. http://www.wfto.com/ (page consultée le 23 février 2010).

World Fair Trade Organization et Fairtrade Labelling Organizations International. 2009. Charte des Principes du Commerce Équitable. En ligne. http://www.fairtrade-advocacy.org/images/stories/publications/FTAO_charter_of_fair_trade_FINAL_FR_V2.pdf (page consultée le 23 février 2010).

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03 2010

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