L’ENVERS DE LA BANANE

Par Sarah Veilleux-Doyon

Plusieurs pays du Sud se voient déposséder de leurs richesses et ressources naturelles lorsque des compagnies multinationales viennent s’y installer. À première vue, la population locale se réjouit souvent de la venue de ces entreprises puisque cela signifie des possibilités d’emploi.  Par contre, la réalité est souvent bien différente de ce que les habitants avaient imaginé. Prenons l’exemple des plantations de bananes au Honduras, qui sont presque entièrement la propriété des compagnies Chiquita et Dole[1]. Dans ce billet nous verrons d’abord que bien que les compagnies fournissent des emplois à de nombreux travailleurs, les conditions de travail de ceux-ci sont questionnables. De plus, nous verrons que l’impact environnemental de ces compagnies est énorme. Finalement, nous exposerons les initiatives et alternatives qui cherchent à améliorer cette situation difficile.

Le Honduras est un des plus grands pays exportateurs de bananes, à lui seul, il compte 6,8 %[2] des exportations mondiales depuis que l’ouragan Mitch a détruit une grande partie des plantations[3]. Avant le passage de Mitch, le Honduras était le deuxième plus grand exportateur de bananes au monde. Évidemment, pour produire un pourcentage aussi grand de bananes consommées partout dans le monde, les grandes compagnies se doivent d’employer plusieurs milliers de personnes. Malheureusement pour les Honduriens, les conditions de travail des travailleurs de la banane sont exécrables. Afin de prévenir une grave maladie qui dévaste les plantations de bananes, la « Black Sigatoka », les compagnies ont recours à de nombreux pesticides chimiques qu’ils pulvérisent sur les plantations par avion[4]. Les travailleurs ne sont pas avertis de ces déversements, ils sont donc aspergés de la même manière que les plants. Il n’est pas surprenant que de nombreux travailleurs se plaignent des effets nocifs de ces pesticides sur leur santé, et celle de leurs familles. À vrai dire, les familles sont elles aussi atteintes puisque les déversements ne se font pas seulement sur les plantations; les avions passent aussi au-dessus des villages au cœur des régions de bananeraies. Les habitants souffrent donc d’éruptions cutanées, de problèmes respiratoires chroniques et d’autres affections graves[5].

Les compagnies ne semblent pas se soucier outre mesure des conditions de vie de leurs travailleurs. Par contre, Chiquita est un partenaire de Rainforest Alliance, une organisation américaine de défense de l’environnement. L’organisation dispose d’un programme pour l’amélioration des conditions de culture de la banane nommé « Better Banana », dont Chiquita fait partie. Malheureusement, après plusieurs enquêtes, dont une du Cincinnati Enquirer, un journal de l’Ohio, on constate que très peu des conditions de « Better Banana » sont respectées. Les travailleurs devraient être prévenus des déversements de pesticides afin de se mettre à l’abri, ils devraient aussi se voir fournir des équipements de protection contre ces produits chimiques. De plus, bien que se soit contraire aux exigences de « Better Banana » Chiquita emploie des pesticides qui ne sont pas approuvés aux États-Unis, au Canada et en Europe[6]. On comprend donc que l’idée première de la multinationale est plutôt de se démarquer de la concurrence en se donnant l’image d’une pionnière en environnement. D’ailleurs, le site officiel de Chiquita met en avant-plan son partenariat avec Rainforest Alliance et ses contributions pour protéger l’environnement.

L’impact environnemental d’une telle quantité de pesticides, qui tend d’ailleurs à augmenter puisque la maladie s’adapte de mieux en mieux aux pesticides, a des conséquences fortement néfastes pour l’environnement. Parmi les conséquences des pesticides, on retrouve le développement de maladies, dont le cancer chez les poissons et les mammifères, la contamination de l’air et la contamination de l’eau, que les habitants consomment. D’ailleurs, selon une étude menée dans les plantations du Costa Rica, seulement 10 % des pesticides déversés restent sur les bananiers alors que le vent et la pluie transportent les autres 90 %[7]. Ces pesticides volatilisés se retrouvent donc dans les sols et les sources d’eau. La population pauvre s’approvisionnant à même ces cours d’eau ingère donc des pesticides. Bien que l’étude ait été faite au Costa Rica, les mêmes conclusions s’appliquent à tous les pays producteurs de bananes puisque les conditions climatiques, le vent et les pluies, sont très similaires[8].

Il est évident que la situation actuelle doit être améliorée, voire même transformée. D’ailleur, certaines possibilités s’offrent aux populations locales pour changer leurs conditions de travail et de vie. D’abord, il est presque impossible de reprendre aux compagnies multinationales les terres agricoles, mais il est possible d’encourager les petits producteurs locaux. Effectivement, il existe toujours quelques agriculteurs possédant de bien plus petites terres qui ont de la difficulté à rivaliser avec les grandes multinationales. En encourageant ces producteurs à l’échelle mondiale, une pression serait exercée sur les grandes compagnies pour revoir leurs politiques. Par contre, cette solution n’est pas optimale, car plusieurs chercheurs ont remarqué que lorsque les agriculteurs s’impliquent dans l’exportation, la production alimentaire locale diminue d’abord très peu, puis de plus en plus lorsque la quantité d’exportation est appelée à augmenter, ce qui rend l’accès aux bananes par la population locale beaucoup plus difficile puisque les quantités destinées au marché locale sont grandement diminuées[9].

Une alternative plus efficace serait donc de consommer plus de bananes Goldfinger et ainsi faire augmenter la production de celle-ci. La banane Goldfinger a été développée au Honduras entre 1984 et 1994 par la Fondation de recherche agricole du Honduras et l’appui du Centre de recherche en développement international. Cette variété de bananes résiste au vent et au froid, mais surtout aux maladies et aux ravageurs qui nécessitent l’utilisation de pesticides chez les bananes commerciales. Par contre, le développement d’un marché de la banane Goldfinger dépend de la volonté du centre de consommer de plus grandes quantités de cette banane presque magique. Le développement du Sud, la périphérie, dépend par contre de la volonté du Nord, le centre[10].

En somme, l’industrie de la banane au Honduras se trouve dans une situation complexe puisque les multinationales offrent des conditions de travail très difficiles à ses employés et ne se soucient ni de leur santé, ni de celle de leurs familles et ni de la dégradation de l’environnement. Par contre, le Honduras n’est pas dans une impasse puisque quelques alternatives s’offrent aux  petits producteurs de bananes et aux populations locales tout autant qu’aux pays consommateurs de bananes honduriennes. La consommation de la banane Goldfinger permet une moins grande utilisation de pesticides donc moins de dommage pour la santé des travailleurs et de leurs familles et moins de dommages environnementaux.

Bibliographie

CETIM. 1998. « Chiquita, révélations sur les pratiques d’une multinationale ». En ligne. http://www.cetim.ch/oldsite/stn/stn1_5.htm (page consulté le 02 février 2010)

CNUCED. S.d. « Banane – marché », En ligne. http://unctad.org/infocomm/francais/banane/marche.htm (page consultée le 25 février 2010)

CRDI. S.d. « Le CRDI au Honduras », En ligne. http://www.idrc.ca/fr/ev-129262-201-1-DO_TOPIC.html (page consultée le 24 février 2010)

FAO. 1998. « Une alerte spéciale fait le bilan des dégâts causés à l’agriculture par l’ouragan Mitch », En ligne. http://www.fao.org/nouvelle/global/gw9829-f.htm (page consultée le 5 mars 2010)

Grossman, L. 1993. « The political ecology of bananas ». Anals of the Association of American geographers 83 (juin): 347-367

Hernandez, Carlos E. et Scott G. Witter. 1996. « Évaluer et gérer les impacts de la production de bananes sur l’environnement au Costa Rica ». Ambio 25 pp. 171-178

MERILL, T. 1995. « Honduras », US Library of Congress. En ligne. http://countrystudies.us/honduras/66.htm (page consultée le 09 février 2010)

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[1] T. Merill, en ligne

[2] CNUCED, en ligne

[3] FAO, en ligne

[4] CETIM, en ligne

[5] CETIM, en ligne

[6] ibid

[7] Hernandez et Witter,

[8] Hernandez et Witter,

[9] Grossman, 348

[10] CRDI, en ligne

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03 2010

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