QUAND LA MER (OU LA TERRE) SE DÉCHAÎNE…

Par Laura Hébert

« … la mer est sans routes, la mer est sans explications. » Alessandro Barrico

26 décembre 2004. Un raz-de-marée meurtrier s’abat sur les côtes de l’Océan Indien emportant avec lui habitations, écoles et villages entiers. En l’espace d’un instant, plus de 1,5 million de personnes se retrouvent sans toit et environ 230 000 personnes perdent la vie[i]. L’épicentre du séisme situé au large de l’île indonésienne de Sumatra frappe avec une force de 9,1 sur l’échelle de Richter[ii], ce qui en fait un des tremblements de terre les plus violents enregistrés jusqu’à ce jour. Les pays les plus gravement touchés sont le Sri Lanka, la Thaïlande et l’Indonésie.

La catastrophe aurait pu être prévue, puisque la propagation de l’onde a mis quelques heures pour atteindre certains pays, les autorités n’étaient toutefois pas préparées à cette éventualité en raison de l’absence de dispositif de surveillance de tsunami dans l’Océan Indien. C’est donc par surprise que les populations ont été prises de plein fouet par la vague.

Face à un désastre naturel d’une aussi grande ampleur, dont les dégâts sont innombrables, les secours immédiats aux populations sinistrées sont primordiaux. Néanmoins, la reconstruction « physique » de ce qui a été détruit prend également une importance fondamentale puisqu’elle fournit l’occasion de rebâtir sur de nouvelles bases plus fonctionnelles. Ainsi, nous verrons quels sont les enseignements pouvant être tirés de la situation, comme par exemple l’importance de reconstruire plus solidement, celle d’agir rapidement ainsi que d’impliquer les populations locales.

La mobilisation internationale suite au tsunami est d’une envergure considérable : les vivres, les dons et les intervenants affluent des quatre coins du globe. En effet, The Asian Development Bank estime l’aide financière reçue à 13,5 milliards de dollars (us)[iii].  Néanmoins, il faut faire vite pour secourir les populations dévastées qui, vu les conditions humides, sont très à risque de voir des pandémies se développer, d’autant plus qu’il y a des centaines de milliers de corps à inhumer. C’est donc peu dire que préalablement à la reconstruction, un grand nettoyage s’impose.

Dans un document sur le cas d’Aceh, la région indonésienne la plus touchée par le tsunami, le Wolfensohn Center for Development, définit trois phases distinctes de la réaction post catastrophe environnementale : l’assistance humanitaire, la reconstruction et le développement[iv]. Les auteurs insistent sur l’importance d’intégrer secours et développement, puisque bien souvent malgré des dons substantiels et une aide rapide, il est rare que l’assistance immédiate constitue les racines d’une reconstruction efficace à long terme. Par ailleurs, c’est en reconstruisant plus solidement qu’on renforce la protection contre d’hypothétiques futurs désastres naturels, d’où toute l’importance de la maxime bien connue : vaut mieux prévenir que guérir. Ainsi, la catastrophe permettra d’améliorer le sort futur des populations dévastées.

Comme le nom du programme de l’UNICEF nous l’indique, le tsunami donne l’occasion de « Reconstruire en mieux »[v], soit d’implanter des services sociaux plus importants, de donner accès aux populations à un approvisionnement en eau potable et d’installer des écoles plus robustes dans les zones touchées. Le programme « Reconstruire meilleur » a également, a aussi fourni l’occasion de se rapprocher le plus possible de l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement, selon Jonathan Cauldwell, responsable de programme à l’UNICEF, chargé des questions humanitaires et du soutien à la transition[vi]. De plus, UNICEF retire de grandes leçons quant à sa façon d’opérer en situation de crise humanitaire comme l’importance de la rapidité d’action et celle du travail d’équipe. Comme quoi? Quelles leçons? C’est supposé être le sujet de votre billet mais vous ne les abordez pas.

Il faut également insister sur l’importance de prendre en compte les besoins et les priorités des populations locales et d’impliquer les gouvernements locaux très tôt dans le processus de reconstruction, précepte n’étant pas toujours respecté. Toutefois, notons que suite au tsunami, dans la région d’Aceh, the Aceh–Nias Rehabilitation and Reconstruction Agency a été créé en avril 2005 et doté d’un mandat de quatre ans afin de coordonner la remise sur pied de la région[vii]. C’est dans la même perspective qu’est créé au Sri Lanka un Ministry of National Disaster Management and Human Rights en 2006[viii].

Cependant, les actions à poser suite à un désastre environnemental restent toujours à perfectionner. Par ailleurs, suite au séisme haïtien, notant que les leçons du tsunami, quant à la coordination et à l’encadrement de l’aide, n’avaient pas été retenues, René Préval, Président d’Haïti, dans une lettre au Devoir, appelle à la création des Casques rouges. En effet, il propose la création d’une force de secouristes qui serait sous les auspices de l’ONU et qui représenterait en quelque sorte  « les frères humanitaires des Casques bleus »[ix]. Préval précise la nécessité d’une réaction rapide qui serait coordonnée par un schéma directeur d’intervention et souligne que la communauté internationale n’est pas en mesure de relever seule des défis de cette envergure. L’assistance humanitaire ainsi que le développement subséquent devraient être faits à travers une stratégie globale regroupant des actions unifiées. Préval conclu en déplorant le fait que tant que des décisions concrètes n’auront pas été prises, la question de la bonne coordination des secours continuera de se poser.

Enfin, les changements climatiques tels que le réchauffement de la planète ainsi que la montée du niveau des mers risquent d’amplifier les conséquences et l’envergure des désastres environnementaux. Si certains auteurs annoncent la fin du développement, en termes de reconstruction post catastrophes naturelles le rôle du développement  n’est toutefois pas près de s’amenuiser, d’où l’importance d’un plan concret coordonnant l’intervention sur  long terme.

Bibliographie

Asian Development Bank. 2009. Indonesia : Aceh-Nias Rehabilitation and Reconstruction, project No. 39127. Manille : Asian Development Bank.

Masyrafah, Harry et John MJA McKeon. 2008. Working paper 8 : Post tsunami aid effectiveness in Aceh, Proliferation and coordination in reconstruction. Washington DC : Wolfensohn Center for Development.

Nations Unies. Centre d’actualité de l’ONU. 2009. Cinq ans après le tsunami, les programmes de l’UNICEF ont apporté des améliorations. En ligne. http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=20893&Cr=tsunami&Cr1=  (page consultée le 4 mars 2010).

Préval, René et Nicole Guedj. 2010. « Appel pour des Casques rouges à l’ONU ». Le Devoir (Montréal), 18 février. En ligne.

http://www.ledevoir.com/international/actualites-internationales/283290/appel-pour-des-casques-rouges-a-l-onu (page consultée le 4 mars 2010)

Sarvananthan, Muttukrishna and Sanjeewanie, H. M. P. 2008. «Recovering from the tsunami: people’s experiences in Sri Lanka». Contemporary South Asia 16 (septembre): 339-351.

United States Geological Survey’s (USGS) Earthquake Hazards Program . 2009. Largest Earthquakes in the World Since 1900. En ligne.

http://earthquake.usgs.gov/earthquakes/world/10_largest_world.php (page consultée le 4 mars 2010).

UNICEF, Pays en crise, actualité.  2008. Le tsunami, trois ans après, « Reconstruire en mieux » apporte des résultats positifs à des millions d’enfants. En ligne.

http://origin-www.unicef.org/french/emerg/disasterinasia/index_42214.html (page consultée le 3 mars 2010).


[i] Centre d’actualité de l’ONU,  en ligne.

[ii] United States Geological Survey’s (USGS) Earthquake Hazards Program , en ligne.

[iii] Asian Development Bank, p. 27.

[iv] Harry Masyrafah et John MJA McKeon,  p.  9

[v] Centre d’actualité de l’ONU,  en ligne.

[vi] UNICEF, en ligne.

[vii] Asian Development Bank, p. 27.

[viii] Asian Development Bank, p. 27.

[ix] René Préval et Nicole Guedj, en ligne

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04 2010

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