LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DE LA RDC

Par Sydney Taylor-Wingender

Selon John Bray, spécialiste en reprise économique post-conflictuelle, il va sans dire que tout pays visant le dépassement de la dépendance à l’aide post-conflictuelle nécessite un secteur privé actif, équitable et profitable (Bray 2009, 1). Le passé mouvementé de la République Démocratique du Congo (RDC) demeure un facteur incontournable lorsqu’il vient le temps de traiter du développement dans cette région. Certains, comme Bray, nous laissent croire que l’aide étrangère, les investissements privés et un développement basé sur la croissance économique sont les ingrédients de la paix en RDC. D’autres prendraient en compte le rôle des intérêts étrangers liés aux transferts financiers, en soulignant, entre autres, la manipulation du secteur privé par les États-Unis, entre autres. En prenant en compte la situation actuelle, l’importance accordée aux investissements étrangers est-elle une solution prometteuse ou un alibi couvrant le rôle des intérêts économiques américains? Nous allons, dans un premier temps, étudier les prescriptions économiques qui ont déjà été proposées par les spécialistes en ce qui concerne la remise sur pied politique de la RDC. Par la suite, nous aborderons les réalités sous-tendues à ce phénomène, notamment les réseaux occidentaux impliqués dans le développement du pays, pour découvrir en quoi les investissements étrangers ont mené la RDC à sa perte.

Dans son article « The Role of Private Sector Actors in Post-war Recovery », John Bray souligne ceci : « private sector development can alleviate some post-conflict problems, and no lasting economic recovery is possible without it » (Bray 2009, 22). Ainsi, quoique ses effets ont une limite, le rôle des investissements étrangers dans le secteur privé congolais est un outil nécessaire au développement économique. Bray rajoute que les enjeux privés doivent être pris en compte par les décideurs politiques à chaque étape de la prise de décisions, tout en rappelant qu’un secteur privé fonctionnel mène à la prospérité économique, ce qui, en fin de compte, limite les risques de la reprise des hostilités (Bray 2009, 2). Tout semble indiquer que les investissements privés, internes et externes, fournissent une solution viable pour le développement de la RDC. À présent, voyons les limites de cette approche en soulignant le rôle des intérêts occidentaux et américains.

Alors que la CIA a soutenu le coup d’État de Mobutu en 1965 et qu’elle fut d’une grande aide lors de son ascension vers la dictature, les États-Unis ont grandement bénéficié du règne de ce dernier (Gibbs 1991, 165), alors que ses politiques favorisaient l’insertion dans l’économie congolaise des capitaux américains. Cela dit, comment peut-on expliquer la relation économique étroite entre les États-Unis et la RDC alors que la Belgique, son ancien colonisateur, y exerçait une influence notable? Le professeur en science politique à l’Université de l’Arizona David N. Gibbs affirme que la montée des intérêts anticoloniaux en RDC depuis les dernières années a permis d’intégrer ce pays dans la sphère d’influence des Américains (Gibbs 1991, 194). Est-il légitime de croire que ce phénomène traduit un nouveau type de néocolonialisme, augurant une perte des ressources économiques de la part de la classe politique congolaise aux dépens des acteurs occidentaux? Selon les propos d’Honoré Nzambo, ancien conseiller en matière de sécurité du président Mobutu, on pourrait attribuer le désordre politique au rôle des multinationales américaines.

Ces puissances financières multinationales, disposant aussi d’importants moyens militaires, arrivent à imposer leur volonté à des gouvernements. Elles parviennent à prendre possession des États au moyen des rébellions et tentent de remodeler les pays en créant de nouveaux États comme dans les Balkans. Elles essaient d’en faire autant en Afrique Centrale en cherchant à abolir l’ordre politique africain issu de la Conférence de Berlin de 1885 (Nzambo 2004, 227-228).

La situation actuelle se résume donc ainsi : les Américains ont substitué le rôle des Belges, et leurs firmes sont responsables de plusieurs bouleversements politiques et économiques dans la région, tels que l’accaparement des ressources naturelles et l’imposition de politiques sociales défavorables aux travailleurs, comme le démontre cet article. Alors que John Bray favorise les investissements dans le secteur privé, menant à l’insertion économique de firmes multinationales, il a été prouvé empiriquement que de tels investissements, du moins de la part d’acteurs extérieurs, furent un échec désastreux (Gibbs 1991, 194).

Que pouvons-nous conclure? Alors que, de prime abord, les investissements dans le secteur privé semblent être un facteur de paix et de développement, l’historique récent de la RDC prouve le contraire. Ces investissements, propulsés par des intérêts majoritairement américains, ont causé la perte de la structure déjà fragile du système politique congolais. Quel diagnostic pouvons-nous proposer? John Bray nuance ses propos en concluant la chose suivante : « private sector actors are neither the source of all ills nor the solution to all dilemmas. […] Skilful economic initiatives can support—but not replace—the political process » (Bray 2009, 22). La réponse se retrouve dans la deuxième phrase : les investissements et le secteur privé ne peuvent substituer le processus politique. Alors que le rôle du secteur privé est important, il n’est pas aussi parfait qu’on pourrait le croire. Ainsi, les investisseurs extérieurs et des firmes multinationales doivent à tout prix se subordonner aux exigences politiques des élus congolais; sans quoi les conflits politiques au Congo se perpétueront.

Bibliographie

Bray, John. 2009. « The role of private sector actors in post-conflict recovery ». Conflict, Security & Development 9 (avril) : 1-26.

Gibbs, David N. 1991. The Political Economy of Third World Intervention : Mines, Money, and U.S. Policy in the Congo Crisis. Chicago : The University of Chicago Press.

Nzambo, Honoré Ngbanda. 2004. Crimes Organisés en Afrique Centrale : Révélations sur les réseaux rwandais et occidentaux. Paris : Éditions Duboiris.

Vivien, Renaud et Damien Millet. 2009. Néocolonialisme : Comment les créanciers décident en RDC. En ligne. http://saoti.over-blog.com/article-neocolonialisme-comment-les-

creanciers-decident-en-rdc-39935089.html (page consultée le 6 avril 2010).

About The Author

admin

Other posts by

Author his web site

11

04 2010

Your Comment