LES INÉGALITÉS DE RÉPARTITION DE LA POPULATION SUR LE TERRITOIRE BRÉSILIEN

Par Jean-Baptiste Cubilier

On constate qu’au cours de son développement, le Brésil connaît un taux d’urbanisation de plus en plus important. Ceci nous conduit à nous interroger sur l’inégalité de la répartition de la population sur ce territoire entre les sphères rurales et urbaines. Dans un premier temps nous allons nous pencher sur l’importance, les causes et les conséquences du phénomène, pour ensuite présenter comme alternative de développement la théorie de l’agriculture et du développement rural.

Une attractivité des grandes villes qui n’arrange rien

Le constat du déplacement des populations sur le territoire brésilien en direction des grandes villes est la pierre angulaire de ce blogue concernant les inégalités entre les sphères rurale et urbaine. [1] Selon A. Hudson, 20 millions de personnes se sont déplacés vers les grandes villes entre les années 1950 et 1970. Le phénomène ne s’est en aucun cas atténué puisque la population urbaine du Brésil a augmenté de 56% en 1970 à  75% en 1991. Selon Théry et Fleury, les taux d’urbanisation est aujourd’hui supérieur à 80%. Ils ajoutent aussi que ce phénomène a un lien direct avec la montée des secteurs secondaires et tertiaires, secteurs concentrés dans les grandes villes, et de la diminution de l’importance du secteur primaire. De même l’Instituto Brasileiro de Geografia e Estatistica (IBGE) [2] ajoute que la production de Rio de Janeiro représentait en 2005 11,5% du PIB du Brésil. L’explication de ce phénomène peut être interprétée par l’image de productivité et de réussite que donnent les grandes villes brésiliennes au reste du pays. Selon l’Ambassade du Brésil en France, « le Sudeste est la région la plus peuplée du pays : 77 millions habitants en 2004, ce qui correspond à 43% de la population totale » [3].

Dans un environnement de mise en avant de certains secteurs et de la productivité fulgurante de certaines villes, il n’est pas étonnant de voir les populations de l’espace rural se déplacer vers ces nouveaux pôles de la croissance du pays. Il existe, comme nous pouvons le voir sur la photo juste en dessous, une attractivité que la sphère rurale ne connaît pas, c’est-à-dire tout espace n’étant pas à proximité de ces grandes villes, où les perspectives de développement et de croissance sont faibles. Apparaissant aux yeux des populations locales comme des eldorados pour ce qui est des perspectives d’avenir, il n’est pas étonnant que l’on assiste aujourd’hui à un véritable exode rural. L’objectif serait donc comme le précise Maria de Nazareth Baudel Wanderley [4] de parvenir à un continuum urbain-rural, c’est-à-dire une homogénéisation de l’importance accordée aux deux sphères en termes d’attractivité. Un tel défi est aujourd’hui des moins négligeables : le Brésil va connaître, en ne remédiant pas le plus vite possible au problème de la surpopulation de ses grandes villes à deux conséquences : l’existence d’une seule identité nationale à la fois urbaine et industrielle, et la disparition d’une image positive de la sphère rurale.

Il faut développer la partie rurale

Comme nous venons de le voir, le seul moyen d’éviter une surpopulation des grandes villes est de rendre la partie rurale plus attractive afin que sa population ne se déplace pas dans l’optique d’un avenir meilleur. Il faut la rendre productive de telle sorte à ce que les populations rurales prospèrent et ne trouvent l’intérêt de se déplacer vers les grandes villes. Pour cela, nous nous devons d’appliquer dans l’idée d’un développement alternatif la théorie de l’agriculture et du développement rural. Plus précisément, il s’agirait de reprendre l’idée  principale des solutions avancées par Cypher et Dietz pour la Révolution Verte [5], c’est-à-dire l’industrialisation de l’agriculture, ou encore la production orientée vers le marché urbain. Ce que nous constatons jusqu’ici c’est que des villes comme Rio de Janeiro, Sao Paulo et Brasilia concentrent la majorité des activités en rapport à la croissance. Ainsi nous pourrions assister à un rééquilibrage entre les espaces ruraux et urbains dans le cadre du développement.

Seulement un élément pourrait venir troubler cette idée d’alternative : pourquoi le Brésil devrait-il diminuer les efforts de production de ses grandes villes, élément essentiel de son développement à l’heure actuelle, afin d’atténuer les inégalités qui peuvent exister entre les espaces urbains et ruraux? Les lois de l’économie viennent expliquer l’utilité des idées d’efforts avancés par la Révolution Verte. Tout d’abord, une augmentation de la production créerait une demande supplémentaire en facteurs de production étant donné les nouvelles exigences additionnelles, conduisant alors à une augmentation de l’emploi puisque cela nécessitera une intervention de plus en plus importante de la population. D’autres externalités positives sont elles aussi à prévoir puisque le développement de nouvelles industries en lien avec l’agriculture peut modifier les déplacements de population allant jusqu’à faire diminuer la surpopulation que connaissent les grandes villes brésiliennes aujourd’hui. Ainsi nous pouvons répondre à la question que nous nous sommes posés en début de ce paragraphe : quel est l’intérêt pour le Brésil de concentrer ses efforts sur l’espace rural de son territoire? En plus des avantages en termes de diminution des inégalités pour ce qui est de la richesse des habitants, de la production des régions, et de l’aménagement du territoire, le Brésil pourra aussi considérer le fait que ces efforts auront pour effet de créer de nouveaux centres de productivité sur son territoire situés ailleurs que dans les grandes villes. Le fait d’étendre les surfaces de production au-delà des grandes villes ne peut qu’apporter une plus importante productivité de pays en général. Ainsi le pays peut y trouver son intérêt et voir ses inégalités concernant l’opposition entre les espaces ruraux et urbains se réduire, d’où l’utilité d’appliquer la théorie de l’agriculture et du développement rural.

En conclusion nous pouvons dire que le constat de l’exode rural conduit à s’interroger sur les efforts du Brésil pour son développement de l’espace rural. Voir l’importance accordée par ce pays à des villes comme Sao Paulo ou Rio de Janeiro peut nous expliquer l’orientation des flux de population sur le territoire et ses raisons, d’où l’intérêt de rendre l’espace rural plus attractif afin de réduire les inégalités de richesses et de production entre ces deux sphères, de surpopulation des grandes villes, et d’augmenter la productivité de l’ensemble du territoire. Cependant le Brésil doit se rendre compte non seulement de ces enjeux, ce qui n’est pas forcément les cas quand on constate l’entassement de plus en plus important de la population brésilienne en périphérie des grandes villes conduisant à cette surpopulation, mais aussi du potentiel qu’offre l’intégralité de son territoire et pas seulement de celui de ses villes-phares. Peut-être que les glissements de terrains dramatiques du 8 Avril 2010 dans les favelas de Rio de Janeiro ayant causé la mort d’environ 200 personnes fera réagir le gouvernement sur la nécessité d’agir sur l’attractivité d’autres pôles que ceux des grandes villes.

Références

[1] A. Hudson, Rex. 1997. « Brasil: A Country Study ». Washington : Library Of Congress. En ligne. (http://countrystudies.us/brazil/29.htm) (consulté le 7 Avril).

[2] Fleury, Marc-Françoise et Hervé Théry. 2007. « Les Contrastes du Développement au Brésil ». Collège Marc Chagall. Groupe de recherche au CNRS.

[3] Brésil. Ambassade du Brésil en France. Région Sud-Est. Paris : Ambassade du Brésil. En ligne. (http://www.bresil.org/index.php?option=com_content&task=category&sectionid=4&id=261&Itemid=51&cataff=208) (consulté le 6 Avril).

[4] De Nazareth Baudel. Wanderley, Maria. 2002. « Territorialité et Ruralité au Nordeste : vers un pacte social pour le développement rural ». Récife : Université Fédérale du Pernambouc. En ligne. (http://books.google.ca/books?id=AN4_CTjdRmwC&pg=PA18&lpg=PA18&dq=rural-urbain+brésil&source=bl&ots=3fpp1r2rl-&sig=thY5Yhmqre4JwGy0vH5cgBRofZw&hl=fr&ei=noWqS62hG8m0tgft39G_BQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=5&ved=0CBMQ6AEwBA#v=onepage&q=rural-urbain%20brésil&f=false) (consulté le 6 Avril).

[5] Cypher, James M. et James L. Dietz, « Agriculture and Developement », The Process of Economic Developement, London : Routledge, 2004 : pp.341-385.

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05 2010

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