LES RAPPORTS RDC-BELGIQUE : NOUVEAU PARTENARIAT OU NÉOCOLONIALSME?

Par Sydney Taylor-Wingender

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source : http://www.flickr.com/photos/dfid/3316415860/ Roger Allen/Daily Mirror. Reproduced here by DFID with permission.

La République Démocratique du Congo (RDC) possède un passé complexe et mouvementé. Plus de cinquante ans après son indépendance du Royaume de la Belgique en 1960, il est encore possible de percevoir l’influence du gouvernement belge au Congo-Kinshasa. Sur le plan du développement, est-il légitime de croire que l’importance symbolique de la RDC auprès des Belges se traduit par un avantage financier significatif? Autrement dit, l’intérêt porté par la Belgique auprès du Congo lui permet-il de profiter de plus grandes ressources financières pour développement?

C’est à l’aide de données économiques que nous parcourrons cette réalité, afin de mieux comprendre la relation entre la Belgique et la République Démocratique du Congo, ainsi que son rôle dans le développement de ce dernier. Nous allons comparer les investissements belges pour le développement de la RDC avec les déclarations publiques du gouvernement belge en terme de développement. De cette manière, nous serons en mesure de déterminer si ces fonds servent réellement à développer de manière profitable et durable le Congo, ou si, au contraire, ils ne font que promouvoir les intérêts belges dans ce pays.

Il suffit de consulter les dépenses (tableau 1) de l’aide publique belge au développement en 2008 pour comprendre que, même après 47 ans d’indépendance, la RDC reste en relation économique étroite avec la Belgique. On peut noter, dans ce tableau, que l’aide belge pour le développement du Congo-Kinshasa représente presque le double de l’aide versée à l’Irak, qui se retrouve le second sur la liste. La différence d’implication financière entre ces deux pays semble démontrer que la Belgique fait preuve de népotisme envers la RDC en ce qui concerne ses dépenses publiques au développement.

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source : http://www.dgci.be/documents/oda/general/top50.pdf

L’influence des intérêts belges sur les politiques économiques du gouvernement congolais n’est ni explicite, ni omniprésente. Cependant, plusieurs indices démontrent qu’encore aujourd’hui, la Belgique a une main mise sur son ex-colonie. Si on compare les dépenses totales pour l’annulation de la dette de la RDC de puis 2005 dans le tableau de dépenses par secteur (tableau 2) avec les 899 millions d’euros versés par la Belgique pour l’annulation de la dette des pays en développement en général sur la même période, on note que près du quart de ce dernier montant est réservé au Congo-Kinshasa. L’argument est donc fondé : la participation financière belge pour le développement de la RDC est plus que particulière, elle est déterminante. Alors que la RDC est de très loin la première bénéficiaire de l’aide publique belge au développement et qu’elle fut récipiendaire du quart du montant versé par la Belgique pour l’annulation de la dette, on ne peut nier l’immense portée économique que la Belgique y exerce. A présent, étudions les intérêts exprimés par la Belgique par rapport au développement congolais, afin de définir si cette portée est bénéfique ou non.

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source : http://www.dgci.be/documents/oda/partner_countries/dr_congo_2008.pdf

On retrouve sur le site de l’agence de la coopération belge au développement l’annonce du nouveau Programme Indicatif de Coopération (CIP) 2010-2013, qui souligne, entre autres, que « le soutien de la Belgique pourra être renforcé, pour les 2 dernières années, si des avancées concrètes dans le domaine de la gouvernance démocratique et financière sont constatées » (La coopération belge au développement 2008a). Considérant que, comme nous venons de le voir, la Belgique est un des plus grands donneurs d’aide au développement, deux interprétations divergentes peuvent être tirées de cette citation. Tout d’abord, il est possible d’y voir une approche condescendante et manipulatrice, relevant d’un ancien colonialisme cherchant à faire valoir ses valeurs dans un pays dont les fondations politiques restent encore aujourd’hui fragiles. Ensuite, on peut interpréter ces paroles comme annonçant un nouveau type de partenariat entre le Congo et la Belgique; une relation découlant d’une bonne volonté mutuelle et d’une considération réciproque. Dans un article traitant de la nouvelle coopération universitaire belgo-congolaise, Benjamin Rubbers et Pierre Petit nous font part d’une nouvelle tendance : « dans ce cadre, la relation avec les partenaires du Sud ne serait plus politique mais institutionnelle, voire technique » (Rubbers et Petit 2009, 650). Ce constat est reflété dans les cibles du CIP, qui reposent principalement sur l’éducation et la santé. Ainsi, cette nouvelle coopération ferait partie d’une approche plus axée sur les besoins essentiels de la RDC, plutôt qu’impliquée directement dans le domaine de la gouvernance. Cela dit, les prescriptions de cette coopération, soit la démocratisation et la prudence financière, démontrent que la Belgique tente encore de promouvoir ses valeurs politiques et économiques propres.

On peut donc conclure que, d’une manière implicite, la Belgique possède, encore aujourd’hui, un rôle primordial dans le développement de la RDC. Il ne s’agit pas ici de néocolonialisme – puisque la présence belge au Congo se limite à la sphère économique, mais il reste que, sans la présence leurs oncles[1], ce pays d’Afrique centrale se retrouverait avec des ressources plutôt limitées. Cela dit, il reste à voir si les préalables au nouveau Programme Indicatif de Coopération 2010-2013, soit la démocratisation et le progrès économique, seront des remèdes efficaces aux maux du Congo.

Bibliographie

Cros, Marie-France, et François Misser. 2006. Géopolitique du Congo (RDC). Bruxelles : Éditions Complexe.

La coopération belge au développement. 2008a. Modernisation de la coopération entre la Belgique et la RDC: gouvernance et efficacité. En ligne. http://www.dgci.be/fr/actualite/2009/20091223.html (page consultée le 19 février 2010).

La coopération belge au développement. 2008b. Pays bénéficiaires en 2008 – TOP 50. En ligne.

http://www.dgci.be/documents/oda/general/top50.pdf(page consultée le 17 février 2010)

La coopération belge au développement. 2008c. Tableau d’aide publique au développement belge – RD Congo. En ligne. http://www.dgci.be/documents/oda/partner_countries/dr_congo_2008.pdf

(page consultée le 17 février 2010).

Rubbers, Benjamin et Pierre Petit. 2009. « La coopération universitaire belgo-congolaise : le rôle des mises en récit ». Revue Tiers-Monde N°199 (juillet-septembre) : 647-661.


[1] C’est le surnom que les Congolais donnent au Belges (Cros et Misser 2006, 46).

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01

03 2010

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